Volonté des médecins généralistes français de déléguer des tâches : les incitations financières peuvent-elles équilibrer l’aversion au risque
Mots-clés:
délégation de tâches, aversion au risque, incitations financières, relation princi pal-agent, motivations intrinsèques, motivations extrinsèques, médecine générale, soins de santéRésumé
Contexte : Les secteurs d’activité où les travailleurs sont les plus motivés sont les plus susceptibles d’être productifs. On estime que les motivations ont un impact sur les comportements à risque. Dans le secteur de la santé, au moins trois agents interagissent dans la production de la santé : un assureur (l’assurance maladie), les professionnels et les patients. L’assurance maladie peut vouloir modifier le comportement des professionnels envers les patients en les incitant à déléguer des tâches à un autre professionnel. Dans un contexte de diminution de la densité médicale et d’inégale répartition des médecins généralistes (MG), la France, comme de nombreux autres pays, a décidé de promouvoir l’intégration verticale entre professionnels de santé combinée à la délégation de tâches. Or, cette dernière peut être particulièrement coûteuse lorsque le paiement à l’acte (FFS) est le système de paiement dominant et soulève des questions concernant la qualité des services de santé fournis aux patients. La propension des MG à déléguer des tâches dépend de leur aversion au risque envers la santé des patients. Dans cet article, nous étudions si les incitations financières peuvent modifier l’effet négatif
de l’aversion au risque sur la volonté des MG à déléguer des tâches. À notre connaissance, la littérature traitant des déterminants de la délégation de tâches des MG aux paramédicaux dans le contexte habituel des cabinets libéraux est relativement rare, en particulier dans le cas français. Nous contribuons à cette littérature en étudiant l’impact de l’aversion au risque des MG et son interaction avec le partage des coûts dû à la délégation soutenue par les MG sur leur probabilité de déléguer des tâches aux infirmières.
Méthodes : À partir des données du deuxième panel national représentatif de médecins généralistes libéraux français, mis en place en 2010-2012 par le ministère de la Santé (la DREES), avec 2 000 MG à l’inclusion, cet article teste si la réduction des coûts supportés par les MG lors de la coopération avec les infirmières pourrait contribuer à accroître leur préférence pour la délégation de tâches. Nous mettons en œuvre un dispositif quasi-expérimental dans lequel les MG sont sélectionnés aléatoirement pour former trois groupes de taille égale. Chacun d’entre eux a été exposé à un système de financement différent lors de la déclaration de sa volonté de déléguer des tâches aux infirmières : entièrement financé (FF) par l’administration de la sécurité sociale, autofinancé par les revenus des médecins généralistes (SF) et à moitié financé par l’administration de la sécurité sociale et les revenus des médecins généralistes (HF). Nous estimons l’effet des incitations financières, de l’aversion au risque et de leur interaction sur la volonté des médecins généralistes de déléguer des tâches aux infirmières en utilisant un modèle probit contrôlant l’âge, le sexe, la zone rurale/urbaine, la densité de médecins généralistes.
Résultats : Nous constatons que, premièrement, les médecins généralistes sont plus susceptibles de favoriser la délégation de tâches lorsqu’ils partagent une proportion plus faible du coût de travail avec les infirmières. Deuxièmement, les médecins généralistes qui sont plus réticents au risque pour la santé des patients sont moins susceptibles de déléguer des tâches aux infirmières. Troisièmement, l’interaction entre les incitations financières et l’aversion au risque (pour la santé des patients) n’a pas d’impact significatif sur la probabilité des médecins généralistes de déléguer des tâches aux infirmières.
Conclusion : Cette étude montre que les incitations financières ne peuvent pas contourner l’impact négatif de l’aversion au risque des médecins généralistes sur leur propension à déléguer des tâches. L’amélioration de la délégation de tâches ne devrait pas s’appuyer uniquement sur des incitations financières, qui pourraient s’avérer inefficaces.
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